Les archives françaises

Le fichier juif

Le fichier juif se trouve physiquement au Mémorial de la Shoah, Centre de documentation juive contemporaine. Il s'agit en réalité du regroupement de ce qui demeure des fichiers juifs et non du seul fichier d'octobre 1940.

Le fichier originel a été partiellement détruit. Une circulaire du 6 décembre 1946 a ordonné « la destruction de toutes les pièces fondées sur une discrimination de caractère racial ». La destruction a été effectuée les 15 et 16 novembre 1948, puis le 14 décembre 1949, après la fin des travaux de la Cour de justice et des tribunaux militaires pour faits de collaboration. N'ont été conservées que les fiches qui permettraient aux familles des victimes de demander des renseignements, ou de faire valoir des droits à réparation. Seules subsistent donc aujourd'hui les fiches des personnes poursuivies, arrêtées et pour la plupart déportées.

Dix fichiers ont été transmis au ministère des Anciens combattants : fichier général, fichier des enfants déportés, fichier du camp de Drancy, fichier du camp de Pithiviers, etc. Ils ont été regroupés sous le nom du « grand fichier de la préfecture de police ». Ce sont ces fichiers que l'administration française a longtemps nié détenir. Ils ont été retrouvés en 1991 par Serge Klarsfeld dans les services du ministère des Anciens combattants. Il reste aujourd'hui environ 60 000 fiches, sur les 150 000 du fichier Tulard d'octobre 1940, et ces fiches incluent partiellement des fichiers de la zone Sud et des fichiers de 1940, 1941, 1942.

La copie microfilmée de ces fichiers est consultable aux Archives nationales à Paris, plus précisément au CARAN, le Centre d'Accueil et de Recherche des Archives Nationales. Le site web du CARAN donne les informations sur les consultations de documents sur place. Mais ces archives ne sont pas consultables en ligne.

Les documents relatifs au fichier juif, aux arrestations et aux internements dans les camps français sont référencés en F9. Les microfiches des fichiers juifs reprennent le Fichier familial et le Fichier individuel de la préfecture de police. Le classement est alphabétique. Sur le site web des Archives nationales, on trouve une notice descriptive des sources disponibles et de la manière d'effectuer des recherches.

Les dossiers d'aryanisation

L'aryanisation des entreprises, mise en œuvre par l'administration française selon des lois françaises, est venue dès 1941. Pour l'occasion, on a créé le substantif « aryanisation », qui n'existait pas en français, et le verbe « aryaniser ». « Aryanisation » provient du terme allemand « Arisierung ». On parla aussi de déjudaïsation, voire de désenjuivement (« Entjudung » en allemand).

L'objectif était d'éliminer « l'influence juive » dans l'économie française. Des administrateurs provisoires aryens ont été nommés. Le service du contrôle des administrateurs provisoires dépendait de la direction générale de l'aryanisation économique, qui dépendait du Commissariat général aux affaires juives - aux questions juives par la suite - (1 place des Petits Pères, à Paris IIe). Il publia une instruction générale et un mémento-guide à leur usage, précisant en détail les modalités des compétences des administrateurs provisoires.

Un tableau des secteurs économiques était défini, correspondant à une section du Commissariat général aux affaires juives. La section I.A était celle du textile ; les imperméables faisaient partie du comité d'organisation du vêtement (dans certains documents : confection masculine).

Les Archives nationales rassemblent les fonds du Commissariat général aux questions juives. Le micro-filmage de l'ensemble des fonds a été achevé en mars 2008 et un travail de numérisation est en cours. En particulier, elles détiennent les microfilms des dossiers d'aryanisation, c'est-à-dire les actes de nomination des administrateurs provisoires, les correspondances entre ceux-ci et le Commissariat général, les actes commerciaux durant leur mandat, les extraits du registre de commerce, la vente voire la liquidation des entreprises lorsque celle-ci a été effectuée.

Il existe deux classements de ces fichiers d'aryanisation : un classement alphabétique et un classement topographique, qui renvoient au dossier complet.

On peut aussi consulter les dossiers personnels des administrateurs provisoires. C'est très instructif. Mais, ceux-ci n'étant pas microfilmés, la consultation nécessite de prendre rendez-vous, et les règles de protection interdisent de photocopier les documents fragiles, en papier pelure par exemple.

Comme en ce qui concerne le fichier juif, le site internet des Archives nationales donne les informations sur les consultations de documents au CARAN. Mais encore une fois, ces archives ne sont pas consultables en ligne.

Les documents relatifs à la spoliation sont référencés en AJ38. Les dossiers d'aryanisation sont classés par zone géographique :

  • Paris et le département de la Seine,
  • le reste de la zone nord (à l'exception des départements annexés : Haut-Rhin, Bas-Rhin, Moselle),
  • la zone sud.

On pourra là aussi se référer à la notice descriptive du site des Archives nationales indiquée plus haut.

Le pillage des appartements

Le pillage des appartements, opéré par les Allemands, fut de grande ampleur. C’était la M-Aktion (« Möbel-Aktion », littéralement l’action des meubles). À partir de mars 1942, la Dienststelle Westen (Service de l’Ouest) fut chargée du pillage des logements laissés vides par les Juifs, soit qu’ils aient été arrêtés, soit qu’ils se soient enfuis pour se cacher. Dans un premier temps, des scellés étaient apposés, parfois après un inventaire. Les camions de déménageurs réquisitionnés venaient ensuite emporter le matériel, qui était destiné au Reich pour être donné aux populations allemandes après les bombardements. En attendant, il était entreposé dans de gigantesques dépôts, en plein cœur de Paris, qui regorgeaient. Plusieurs centaines de détenus, échappant provisoirement à la déportation, triaient, classaient et emballaient les objets.

On peut obtenir des précisions sur ce pillage grâce à la Commission d’indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l’Occupation, ou CIVS, qui a été créée le 10 septembre 1999. Une Mission d’étude sur la spoliation des Juifs de France, présidée par Jean Mattéoli, avait été instituée le 25 mars 1997 pour faire le bilan des spoliations et de leur indemnisation. En se fondant sur le fait que l’indemnisation des victimes n’avait pas permis de couvrir la totalité des préjudices subis, elle avait, dès son rapport d’étape, recommandé la création de la CIVS. La Mission a effectué un travail de documentation considérable sur les spoliations, les indemnisations et les restitutions. La Documentation française a mis en ligne le Rapport général de la Mission.

Dans les archives allemandes de l’indemnisation accordée au début des années 1960 par le gouvernement allemand aux victimes juives de spoliations, auxquelles la CIVS a seule accès, on trouve le dossier complet des demandes d’indemnisation et la description des biens pillés tels que déclarés par les survivants.

La CIVS inclut également dans ses recherches les informations sur l’aryanisation des entreprises évoquée plus haut.

Les dossiers d’indemnisation

On trouve aussi des informations sur l’aryanisation des entreprises et le pillage des biens dans les dossiers d’indemnisation effectuées après la guerre.

Indemnisation des entreprises aryanisées

Un service chargé des restitutions fut placé auprès du ministère des Finances. Une ordonnance de 1945 a étendu la restitution non seulement aux biens spoliés mais aussi à leurs produits pendant la période où le propriétaire en avait été dépossédé ; elle a inclus dans la restitution les honoraires des administrateurs provisoires et les versements à la Treuhand, organisme allemand qui recevait un pourcentage de la rémunération des administrateurs.

Les dossiers d’aryanisation consultables aux Archives nationales comportent, à la fin, mention des demandes d’indemnisation lorsque celles-ci ont été faites.

Indemnisation des biens pillés dans les appartements

La législation française des « dommages de guerre » a été adoptée en 1946. Elle concernait les biens pillés. L’essentiel des biens pillés n’ayant pas été retrouvé, la restitution est devenue indemnisation. Mais la loi a ignoré, par principe, les distinctions religieuses et ethniques : seule comptait la nationalité de ceux qui avaient subi des dommages. Ceux qui étaient étrangers pendant la guerre ne pouvaient donc pas en bénéficier. Les dossiers des dommages de guerre sont consultables aux Archives de Paris, en ce qui concerne le département de la Seine (voir plus loin).

La législation allemande (loi BRÜG ) a concerné les biens spoliés en République fédérale d’Allemagne. Mais un de ses articles a permis d’en faire bénéficier ceux dont les biens avaient été spoliés ailleurs si ceux-ci avaient été transférés en Allemagne. Les Juifs étrangers en France pendant la guerre ont donc pu en bénéficier.

La CIVS a accès à ces dossiers. Ils sont aussi disponibles au Fonds social juif unifié, qui les a regroupés en Israël.

Les dossiers de naturalisation

Les dossiers de naturalisation sont consultables au Centre des Archives contemporaines des Archives nationales, actuellement à Fontainebleau.

Si les archives sont encore couvertes par le secret (50 ans), une demande d’autorisation de consultation et de copie est nécessaire. La dérogation « pour consultation de documents encore couverts par le secret » doit être obtenue auprès du ministère de la Culture, direction des archives nationales. Il faut bien entendu prouver le lien de parenté pour l’obtenir.

On trouve dans ces dossiers de nombreuses informations : les dates d’arrivée en France, des adresses successives, des précisions sur la période de la guerre, les photos d’identité de l’époque de la demande, etc.

Un nouveau centre des Archives nationales sera édifié à Pierrefitte-sur-Seine en Seine-Saint-Denis. Il regroupera l’ensemble des archives contemporaines. L’ouverture est prévue en 2012.

Autres sources d'information en France

Les archives de Paris

Les Archives de l’ancien département de la Seine se trouvent aux Archives de Paris, dans le XIXe arrondissement. On y trouve :

  • les recensements de la population de 1926, 1931, 1936. C’est utile pour préciser ou lever un doute sur une date d’arrivée en France.
  • les registres de commerce. C’est utile pour préciser un nom d’entreprise, un lieu, une date. Parfois, mais pas toujours, certains documents sont joints au registre de commerce, précisant la date d’arrivée en France ou d’autres informations sur les personnes inscrites au registre de commerce.
  • les dossiers de dommages de guerre. L’indemnisation des dommages de guerre (pillage des appartements) a été effectuée par le gouvernement français si les Juifs spoliés étaient français avant la guerre, comme il a été dit plus haut. Dans ce cas, les dossiers se trouvent aux Archives de Paris.

Les archives de la Préfecture de police

Une demande peut être faite (par écrit) au Service des archives de la préfecture de police de Paris, concernant l’ancien département de la Seine. On peut y trouver des dates d’entrée en France, d’éventuelles autorisations de séjour.

Guide européen des archives sur la Shoah

Ce guide, déjà cité dans la fiche sur les archives polonaises, est publié par le Centre de documentation juive contemporain (CDJC).

De nombreuses références de fonds d’archives et les adresses des archives départementales sont accessibles en ligne.

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