Yad Vashem
Yad Vashem - Jérusalem - www.yadvashem.org
Le centre de commémoration et de mémoire sur la Shoah Yad Vashem fut créé en 1953 à Jérusalem. Il fut nommé ainsi en référence au Livre d'Isaïe : « je leur donnerai dans ma maison et dans mes murs un monument [yad] et un nom [shem] qui vaudra mieux que des fils et des filles ; je leur donnerai un nom éternel, qui ne périra point. » (Is 56:5).
Il s'est engagé dans quatre domaines :
- La commémoration : le musée expose l'histoire de la Shoah. Il montre aussi des objets personnels, des photos, des bandes sonores et des enregistrements vidéo de survivants. Le nouveau musée a ouvert en mars 2005. Sur le site de Yad Vashem, des mémoriaux sont érigés en hommage aux victimes, aux partisans et combattants des ghettos, aux communautés disparues, aux Justes parmi les nations. Dans la vallée des communautés, tous les shtetlekh sont nommés.
- La documentation : archives, bibliothèque, salle des noms qui regroupe les feuilles de témoignage.
- Les recherches : un centre de recherches a été créé afin de favoriser les travaux sur l'histoire de la Shoah et leur publication.
- L'éducation : écoles et séminaires s'adressent aux enseignants et aux élèves.
Les archives
Les archives de Yad Vashem abritent une très vaste collection de documents : environ 68 millions de pages, plus des films et des photos. Elles possèdent également la copie d'archives dont l'original est détenu par d'autres institutions. L'accès est facile et le soutien des documentalistes efficace.
J'y ai consulté en particulier :
- les archives de la Croix-Rouge internationale (voir la fiche sur l'ITS),
- les archives des camps de personnes déplacées (voir le repère historique à ce sujet).
La consultation des archives des camps de personnes déplacées après la guerre est émouvante à plus d'un titre : pour ce qu'elles témoignent de la vie qui reprend pour les réfugiés et les déportés, pour le sérieux des structures organisationnelles mises en place à l'intérieur des camps, et pour les échanges de courriers et de listes à la recherche de survivants.
J'ai consulté à Yad Vashem une partie des archives des camps de personnes déplacées en Italie (Displaced Persons Camps and Centers in Italy, records 1945-1947, YIVO Archives, microfilms). Les documents sur les activités éducatives, culturelles et sportives sont nombreux. À Santa Cesarea par exemple, le camp de DP où séjournait l'un de mes oncles, le club sportif Maccabi annonce les matches, donne la liste des joueurs, proclame les résultats. Des rapports, minutes, annonces et publications émanent du Comité central des Juifs libérés, des organisations politiques, des landsmanshaftn (les sociétés de secours mutuel), des autorités des camps, des organismes d'étudiants. Des documents des écoles hébraïques, y compris les dessins des enfants, sont reproduits.
Dans les camps de DP, des recherches sont entreprises pour retrouver d'hypothétiques nouvelles de la famille. Par exemple, dans les archives des centres italiens, on trouve trace des courriers qui sont envoyés à Rome puis transférés à Genève qui centralise les recherches, et des listes qui sont transmises. Aux demandes individuelles qui arrivent de tous les pays du monde, d'Europe, d'Australie, des États-Unis, etc., il est répondu selon les formules : « We regretfully inform you that … is not registered in this office », ou bien : « We are pleased to inform you that the address of … is :… ». On peut imaginer la déception ou le bonheur à la réception de telles lettres. Un dossier spécial contient les courriers qui n'ont pu être acheminés au bon endroit ; autant de recherches qui étaient en perdition.
Les archives sur Internet
Les archives de Yad Vashem ne sont pas accessibles sur leur site internet. Et pour cause : le volume de documents originaux de toutes sortes est considérable. Une liste des archives disponibles est cependant en ligne. Mais, bien que très importante, elle est partielle. Voir : Research and publications, Research, The International Institute for Holocaust Research, Archives, List of the Record Groups in the Archives, Listing of the record groups in the Yad Vashem Archives.
Par exemple, pour les archives des camps de personnes déplacées, on trouve, entre autres :
O 37
Displaced Persons Collection (Sheerit Hapletah)
Main languages: German, English, Yiddish, Hebrew, Polish.
Quantity of material: 9.5 meters shelving.
Les photos
De très nombreuses photos (130 000) sont accessibles en ligne. Elles concernent la vie juive avant la guerre, la période de la guerre, la vie des survivants, les lieux après la guerre. Elles proviennent de diverses sources : archives officielles, collections privées, musées, etc.
Par exemple, il y a 33 photos de Zelechow, montrant pour la plupart d'entre elles la vie dans le ghetto. Certaines montrent même le regroupement des Juifs dans la ville pour la déportation.
Lien : http://www6.yadvashem.org/wps/portal/photo
Les feuilles de témoignages
Yad Vashem s’est donné comme objectif dès sa création de retrouver et commémorer les noms et les histoires de toutes les personnes victimes de la Shoah.
Les feuilles de témoignage (Pages of Testimony) sont les déclarations individuelles remplies par les survivants, les familles et les amis. À l’heure actuelle, Yad Vashem a enregistré 3,2 millions de noms de victimes de la Shoah, à partir de 2 millions de feuilles de témoignage. Elles ont pour but de faire sortir les disparus de l’anonymat en leur donnant une identité. Elles sont préservées dans la Salle des noms (Hall of Names), sorte de « mémorial éternel ».
Ces feuilles de témoignage ont été numérisées à partir de 1992. Depuis 2004, elles sont accessibles sur Internet. En 2008, environ 95 % d’entres elles étaient numérisées et accessibles en ligne. Elles sont complétées régulièrement par les nouveaux témoignages qui arrivent et par l’accès à de nouvelles listes (de ghettos, de camps, de réfugiés, etc.). La base de données (The Central Database of Shoah Victims' Names) est facilement accessible et consultable.
Lien : http://www.yadvashem.org/wps/portal/IY_HON_Welcome
Cela permet de faire des recherches par nom, prénom et village d'origine, et de naviguer entre les orthographes approchantes. Vraies découvertes et fausses pistes s'entrecroisent, comme toujours. Mais c'est un progrès considérable par rapport à la situation antérieure, où l'on ne pouvait consulter que des pages papier, et où l'incertitude sur les noms ou les mauvaises transcriptions rendaient les recherches aléatoires. Ainsi, au tout début de mes recherches familiales, je m'étais rendue à Yad Vashem et je n'y avais rien trouvé, sur aucun membre de ma famille. À partir de l'accès Internet, j'ai pu retrouver plusieurs feuilles de témoignage sur les victimes dans ma famille.
Toutes les difficultés ne sont pas résolues pour autant. La saisie des informations en anglais, qui permet d'accéder à la feuille de témoignage, est parfois approximative, parfois partielle.
Il y a de vraies difficultés :
- le questionnaire lui-même a changé dans le temps : il était moins complet dans les années 1950 et 1960 qu'il ne l'est actuellement ;
- les réponses aux questions ont parfois été faites dans un mélange de yiddish, de polonais et d'hébreu, surtout dans les années 1950, et l'emploi de diminutifs de prénoms complique évidemment la tâche des traducteurs ;
- les questionnaires sont remplis de façon manuscrite ; les difficultés de transcription en sont accrues.
Plusieurs fois, tout me conduisait à penser qu'il s'agissait de membres de ma famille, sauf une information : le nom du père, ou de la mère, ou du conjoint. Comme toujours, il faut traduire, déchiffrer, interpréter et résister à l'imagination. Mais on peut dans certains cas passer du probable au certain, ou bien à l'inverse clore des hypothèses.
Des liens avec d'autres membres de la famille - des descendances des arrière-grands-parents par exemple - peuvent émerger, ce qui permet de comprendre des actes d'état civil trouvés en Pologne mais que l'on ne savait pas interpréter.
Certains auteurs des témoignages déposés à Yad Vashem sont des membres de la famille et connaissent les noms des parents des victimes et les dates de naissance. D'autres sont des amis, qui ont témoigné pour toutes leurs connaissances, et se souviennent seulement des noms. Les rubriques ne sont alors pas toutes remplies.
Parfois certains ont fait deux témoignages sur la même personne.
Certains sont des survivants de Pologne, d'autres étaient en Palestine avant la guerre.
Le contact avec ces auteurs de témoignage n'est en général plus possible. Certains ont témoigné dans les années 1950 ou 1960, ont changé d'adresse ou n'en n'ont pas donné, ou bien ont donné celle de Yad Vashem où ils ont déposé leur témoignage.
De tout cela il ressort que l'on peut trouver des informations ignorées, par exemple :
- sur le prénom et le nom de jeune fille de membres de la famille par alliance ; c'est le cas lorsqu'il existe un témoignage fait par un membre de la famille de cette femme ;
- sur le prénom des enfants et les dates de naissance ;
- des photos sont parfois jointes aux témoignages.
On peut ainsi en apprendre beaucoup, et retracer l'individualité des victimes en pouvant les nommer, parfois connaître leurs dates de naissance et leurs professions.
Les informations sur leur assassinat sont cependant incertaines. Pour qu'elles soient certaines, il faudrait que le témoin soit lui-même un survivant du ghetto ou du camp. Sinon, et surtout s'il s'agit d'un membre de la famille, ou d'un ami qui avait émigré avant la guerre ou qui avait fui en URSS au début de la guerre, le décès est en général daté du début de la guerre et le lieu donné est celui du lieu d'habitation avant la guerre. Ces informations sont donc à prendre avec prudence.
Les questionnaires
Questionnaires récent et actuel
Ces questionnaires sont disponibles en ligne en plusieurs langues. La langue dans laquelle ils ont été remplis n'est donc pas un obstacle à la lecture.
Voici les questionnaires de 2008 et du début des années 2000 :
Questionnaires anciens
Les questionnaires ont évolué au fil du temps : ni le nombre ni l'intitulé des questions ne sont identiques à ceux du questionnaire actuel. Par exemple, dans les questionnaires des années 1950, il y avait onze rubriques et non pas quinze comme dans celui des années 2000. Or la traduction de ces questionnaires n'est pas fournie, pas même en anglais. On ne peut donc pas se reporter aux questionnaires récents pour lire les réponses. Dans tous les cas, il faut donc faire traduire.
Voici deux exemples de questionnaires anciens et leurs traductions.
Témoignage rempli en 1991 :
Traduction :
1. Nom de famille (en lettres hébraïques - en lettres latines)
2. Prénom
2A. Nom de jeune fille
3. Date de naissance ou âge présumé
4. Lieu de naissance (ville et pays) - en lettres latines
5. Nom de la mère de la victime
6. Nom du père de la victime
7. Nom du conjoint de la victime
8. Métier
9. Lieu de résidence permanente - en lettres latines
10. Lieu de résidence pendant la guerre - en lettres latines
11. Circonstances de la mort : date, lieu, etc. - en lettres latines
Auteur du témoignage : nom, lien de parenté, adresse
Date et lieu d'établissement du témoignage - signature
Témoignage rempli en 1957 :
Traduction :
1. Nom de famille (en hébreu - dans la langue du pays d'origine, en lettres latines)
2. Prénom (en hébreu - dans la langue du pays d'origine, en lettres latines)
3. Nom du père
4. Nom de la mère
5. Date de naissance
6. Lieu de naissance - également en lettres latines
7. Lieu de résidence permanente - également en lettres latines
8. Profession
9. Citoyenneté avant l'occupation nazie
10. Lieu de résidence pendant la guerre - également en lettres latines
11. Lieu de décès, date et circonstances - lieu en lettres latines)
12. Situation de famille : célibataire, marié, nombre d'enfants
13. Nom de l'épouse et nom de jeune fille - Âge
Nom de l'époux - Âge
14. Nom des enfants de moins de 18 ans qui ont péri - Âge - Date et lieu de décès
(Les enfants de plus de 18 ans doivent être déclarés séparément)
(Remarque : les enfants de moins de 18 ans doivent être déclarés avec leur père ou avec leur mère, mais une seule fois)
Auteur du témoignage : nom, lien de parenté, adresse
Date et lieu d'établissement du témoignage - signature
Comment effectuer des recherches
L'accès à la base de données se fait à partir des informations suivantes :
- Family/Maiden Name (nom de famille / de jeune fille)
- First Name (prénom)
- Location
(lieu)
Il faut choisir le critère sélectif à utiliser : en général le nom, en essayant les orthographes approchantes. Lorsqu'une liste apparaît, il faut ensuite juger de la crédibilité des prénoms, et donc si possible connaître leurs consonances yiddish et leurs diminutifs.
Comme il été dit plus haut, l'accès à la feuille de témoignage se fait par l'intermédiaire de la saisie informatique des informations. Les difficultés de lisibilité des originaux, manuscrits, est source d'approximations ou d'erreurs. Certaines traductions sont automatiques, à partir de l'hébreu.
À partir de la liste des noms qui émerge de la recherche, le choix d'une personne fait apparaître une courte synthèse des informations, puis, si l'on poursuit, le détail des informations suivantes :
Full Record Details for …
- Source : Pages of Testimony
- Last Name (nom de famille)
- First Name (prénom)
- Maiden Name (nom de jeune fille)
- Father's First Name (prénom du père)
- Father's First Name * (prénom du père)
- Mother's First Name (prénom de la mère)
- Mother's First Name * (prénom de la mère)
- Mother's Maiden Name (nom de jeune fille de la mère)
- Gender (sexe)
- Place of Birth (lieu de naissance)
- Marital Status (situation de famille)
- Spouse's First Name (prénom de l'époux / épouse)
- Permanent residence (lieu de résidence)
- Profession
- Place during the war (lieu pendant la guerre)
- Place of death (lieu du décès)
- Date of death (date du décès)
- Type of material (type d'information)
- Submitter's Last Name (nom de famille du déposant)
- Submitter's First Name (prénom du déposant)
- Relationship to victim (relation avec la victime)
* indique une traduction automatique de l'hébreu.
On peut alors voir l’image de la feuille de témoignage originale. Il faut toujours se reporter et re-traduire l’original de la feuille de témoignage.
Pour des petits shteltlekh, on peut aussi faire la recherche sans le nom ni le prénom, mais seulement sur le lieu. Peuvent alors apparaître des informations intéressantes sur d’autres membres de la famille.
Il est aussi utile de voir les autres témoignages faits par le même témoin : le moteur de recherche le permet. Cela permet de comprendre certains liens familiaux.
La base de données contient également des informations provenant d’autres sources. La source est toujours mentionnée (dans le champ Type of material) : Page of Testimony, ou bien par exemple :
- List of Lodz ghetto inmates (liste des internés au ghetto de Lodz)
- List of victims from Germany (liste des victimes d'Allemagne)
- List of Theresienstadt camp inmates (liste des internés au camp de Theresienstadt)
- List of Persecuted (liste des persécutés - en général, URSS)
- List of deportation from France, Germany… (liste des déportations de France, Allemagne, etc.)
- Card file of Mauthausen camp, Auschwitz… (fichier du camp de Mathausen, Auschwitz, etc.)
- List of victims from Yizkor books (liste des victimes mentionnées dans les Livres du souvenir)
Exemples de listes en provenance d’ex-URSS :
- List of murdered people from … and the surrounding villages in 1941-1942
- List of residents or soldiers, who died in battle, 1941-1945
- List of murdered Jews from … in 1941/1943
La base de données des noms des victimes de la Shoah est régulièrement complétée grâce à l’accès à de nouvelles informations.
Les bases de données annexes
Le travail d’entrée et de mise en cohérence des noms issus des nouvelles archives acquises est long. En attendant cette intégration, Yad Vashem donne accès en ligne à une base de données complémentaires : « Shoah-Related Lists Database ». Pour l’essentiel, il s’agit de listes provenant d’Europe orientale.
Ce que j’ai appris
En consultant les pages de témoignage, j’ai pu apprendre des choses essentielles : le nom de jeune fille et le prénom de plusieurs tantes, le prénom de cousins que je ne connaissais pas, et des dates de naissance. Cela m’a permis de retracer l’individualité de membres de ma famille disparus. J’y ai trouvé aussi une photo d’un oncle, dont je ne disposais pas de portrait.
Mais il a fallu naviguer entre les témoignages, croiser les informations, re-traduire certaines pages, me demander par exemple si tel prénom traduit par « Matilda » ne pourrait pas être plutôt « Motel », ou si, sur tel autre témoignage, le prénom du père inscrit sur le témoignage mais non traduit dans la synthèse numérisée, pourrait être Benyamin ou Bioume dans sa consonance yiddish. J’y ai trouvé aussi des informations sur l’itinéraire en URSS de certains de ceux qui avaient fui la Pologne en 1939, qui sont venues compléter ce que j’avais appris par ailleurs grâce à l’International Tracing Service.
Le Comité Français pour Yad Vashem, relié au lien francophone de Yad Vashem à Jérusalem, dispose d’un site propre : www.yadvashem-france.org.