Les autres sources polonaises
Listes des ghettos et des camps
Les listes des ghettos ont été détruites ou sont, au mieux, très partielles. Dans les ghettos polonais, les Judenräte (Conseils juifs) devaient constituer des listes pour fournir des contingents de « spécialistes », de travailleurs ou de déportés. Mais ces listes ont, dans la majorité des cas, disparu.
Certains ghettos (Brest-Litovsk, Lodz…) ont des listes assez complètes. Celles du ghetto de Varsovie sont très partielles. Celles des « petits » ghettos alentours de Varsovie n'existent plus.
Dans certains documents sauvegardés des Judenräte, on trouve parfois des listes, telles qu'évoquées plus haut. Mais les décès n'y sont jamais recensés de façon exhaustive, par la force des choses.
De nombreux récits témoignent des exécutions sommaires dans la rue, pour avoir enfreint une règle, ou pour rien. Ceux du ghetto de Varsovie racontent aussi comment, à partir de 1942, quand le dénuement était total, les familles jetaient dans les rues pendant la nuit les corps des personnes mortes de faim ou du typhus, car sinon il fallait payer pour les obsèques. C'est le Judenrat qui se chargeait de transporter les corps qui jonchaient les rues jusqu'à la fosse commune du cimetière de Varsovie. Les souvenirs du ghetto donnent tous cette image des charrettes, qui, tous les matins, ramassaient les corps.
Dans les autres ghettos, tous les récits témoignent aussi de l'ampleur des exécutions qui ont eu lieu lors de la liquidation du ghetto et la déportation. Nombreux sont donc ceux qui sont morts avant la liquidation des ghettos, ou pendant celle-ci, sur place ou en cours de chemin.
Les listes des camps sont également très partielles, voire inexistantes. En Allemagne (le sérieux nazi), en France (la bureaucratie et le dévouement de l'appareil d'État et en particulier de la police de Vichy), les recensements sont complets. Mais en Pologne, ce n'est pas le cas, malgré la mise en œuvre systématique, rationnelle et industrielle de l'extermination.
Les listes d'Auschwitz sont très incomplètes. À Treblinka, il n'y a jamais eu aucune liste. Non seulement, comme dans tous les transports, nombreux étaient ceux qui périssaient pendant le voyage. Mais aussi et surtout, Treblinka était un camp d'extermination au sens strict : il n'y avait pas de « sélection » à l'arrivée, contrairement à Auschwitz, par exemple, où les détenus sélectionnés pour le travail étaient recensés et marqués. À Treblinka, les wagons étaient directement conduits aux chambres à gaz. Le camp a été complètement détruit par les Allemands en 1943. Tout a été fait pour faire disparaître toute trace de ce camp d'extermination, comme pour les trois autres. Il est donc vain d'y retrouver une quelconque trace.
Le ghetto de Varsovie
Centre polonais pour la recherche sur l'Holocauste - Varsovie - www.warszawa.getto.pl
Le Centre polonais pour la recherche sur l’Holocauste, à Varsovie, a constitué une base de données sur le ghetto de Varsovie, accessible depuis début 2008 sur Internet. Il a exploité de très nombreuses sources : journaux du ghetto, témoignages de l’Institut historique juif, etc. Des recherches nominales sont possibles.
Les documents d’états civils : mairies et archives nationales
Faire le tour des états civils est un parcours difficile. Fastidieux, long, parfois vain, toujours pénible. On se heurte souvent au mur de l’employée qu’on dérange, qui ne sait pas (c’est sûrement vrai parfois) ou qui n’est pas motivée, et qui n’a aucune raison de rendre service en se renseignant sur où chercher. Deux visites dans les états civils locaux ne donneraient peut-être pas les mêmes résultats, selon l’employé sur qui l’on tombe. Ce n’est pas le cas aux archives nationales, où il est plus facile de travailler. Le caractère « national » tient à leur statut et non à leur implantation, ni à leur champ couvert qui reste régional.
Dans tous les cas, il faut y aller avec un interprète.
Avant la guerre, les naissances et décès étaient d’abord déclarés au rabbinat ou au diocèse. Les mariages étaient célébrés religieusement avant d’être déclarés civilement. Pour les naissances en particulier, la déclaration à l’état civil municipal était tardive, approximative, aléatoire. On attendait d’être sûr que l’enfant vivrait pour aller le déclarer. La date de naissance, longtemps après, n’était probablement plus très sûre, ou carrément inventée. Au moment du service militaire ou du mariage, il fallait bien aller déclarer la naissance. Cela voulait dire se déplacer à la ville avec le rabbin et deux témoins. Ainsi, il arrivait que l’on déclare plusieurs naissances à la fois. Peut-être qu’une obligation de recensement précipitait les choses.
Même à l’état civil local, les registres catholiques et juifs étaient distincts. Il y avait un « fonctionnaire d’état civil de la religion non chrétienne », ou « de la religion de Moïse » selon les lieux, qui enregistrait les actes précédemment déclarés au rabbinat. Le décalage entre la naissance et la déclaration civile était considérable, parfois 20 ans.
Sur certaines déclarations, on peut lire : « le père ou la mère avait … ans au moment de la déclaration », au lieu de dire l’âge qu’il ou elle avait au moment de la naissance de l’enfant, ou tout simplement sa date de naissance. Il n’est pas étonnant qu’il y ait des divergences entre les sources et des approximations. Il est donc très difficile de chercher, car même si l’on connaît la date de naissance, c’est dans le registre de la date de déclaration qu’on la trouve. Cela veut dire que retrouver la trace d’enfants nés dans les années trente est improbable. La naissance de leurs propres parents n’a été déclarée qu’à la veille de la guerre.
Les archives des rabbinats ont été détruites. Celles des états civils municipaux, pour ne pas dire laïcs puisque les registres sont distincts, sont très partielles pour les registres juifs. Les archives de la fin du siècle dernier et du début de ce siècle sont en russe ; pour cette période ancienne, les décalages de dates sont moins importants, voire inexistants.
Les registres existants sont difficiles à exploiter, du fait des décalages de dates. Des traces demeurent néanmoins. On peut retrouver des actes de naissance, de mariage, et de décès avant guerre. Ils comportent la signature des disparus, lorsque ceux-ci étaient lettrés.
Exemples :
- Pour les shtetlekh de Falenitz-Miedzeszyn, il faut aller aux Archives d’État d’Otwock, qui concernent toute la région de Wawer. Les archives juives sont partielles mais néanmoins volumineuses : actes de décès de 1921, état civil complet (naissances, mariages, décès) pour les années 1922-23 et 1933-36. Une autorisation des Archives nationales de Varsovie est nécessaire pour consulter ces archives. Elle est donnée rapidement. La mairie d’Otwock possède aussi quelques documents.
- Pour Zelechow, la mairie dispose de deux registres d’état civil juif.
- Pour les shtetlekh du Nord de Varsovie, les Archives nationales de Grodzisk Mazowiecki sont facilement accessibles. On y trouve l’état civil complet de 1900 et 1906, les naissances et les décès de 1918, les mariages et les décès de 1920, les décès de 1921, l’état civil complet de 1933 et 1935, les naissances de 1934 à 1937 et celles de 1938-39. La pile de livres à faire remonter des archives est vite considérable !
On peut aussi trouver certains actes via des sites Internet (voir notamment le site Jewish Record Index).
Archives de plus de cent ans
Un lieu spécifique à Varsovie est dédié aux archives anciennes de l’état civil : Archiwum Glówne Akt Dawnych (voir encore le site Jewish Record Index).
Enfants cachés
Children of the Holocaust centralise les recherches d’enfants. Il est situé dans les locaux du Centre communautaire juif de Varsovie (6 rue Twarda).
Cimetière de Varsovie
Cimetière juif de Varsovie - cemetery.jewish.org.pl
Le cimetière juif de Varsovie, rue Okopowa, date du début du XIXe siècle et comporte environ 250 000 tombes. Les archives du site ont été brûlées par les nazis en 1943. La reconstitution des archives du site est en cours depuis 2006. Elle doit durer jusqu’à 2010. En 2008, 60 000 tombes ont été répertoriées et leurs inscriptions, en hébreu, yiddish ou polonais, déchiffrées. La base de données est consultable en ligne.
Les indications suivantes y sont données :
- numéro de la tombe
- sexe
- prénom
- nom de famille
- nom hébreu
- nom du père
- nom du mari
- nom de jeune fille
- date de naissance
- date de décès
- informations supplémentaires
- photo de la tombe
Les sites Internet polonais
Outre ceux déjà mentionnés ci-dessus, de nombreux sites existent et sont parfois traduits en anglais. On pourra se référer à la liste disponible sur le site de l’Institut historique juif de Varsovie.
Par ailleurs, il ne faut pas hésiter à naviguer avec un moteur de recherche, en faisant par exemple : « synagoga et nom de shtetl » ou « cmentarz (cimetière) et nom de shtetl » ou « getto et nom de shtetl » : des photos, des histoires, des adresses peuvent être utilement trouvées.
And I still see their faces
La Fondation Shalom de Varsovie (Fundacja Shalom) a édité un très beau livre de photos : And I still see their faces, Images of Polish Jews, Shalom Foundation, Varsovie, 1998. Ces photos sont accessibles sur le site du Centre Simon Wiesenthal (voir la fiche méthodologique sur les sites Internet).
Les Juifs en Pologne, lieux et hommes
L’institut Adam Mickiewicz (Instytut Adama Mickiewicza) et l’Institut historique juif ont édité un DVD : Les Juifs en Pologne, lieux et hommes, qui contient des éléments historiques et des images. En polonais, anglais, hébreu et français.
Les publications nord-américaines d’archives polonaises
Le livre Jewish Roots in Poland, pages from the past and archival inventories, écrit par Miriam Weiner en coopération avec les archives nationales polonaises et édité par le YIVO (New York, 1997), donne beaucoup d’indications sur les archives existantes, indexées selon différentes clés d’entrée. Cf. la présentation de cet ouvrage sur la page « Les encyclopédies ».
Les publications françaises d’archives polonaises
Le Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) a publié un Guide européen des archives sur la Shoah. En 1996, lors d'une rencontre réunissant les historiens de la Shoah et les archivistes des principaux pays d'Europe, le CDJC avait pris l'engagement de coordonner la publication d'un outil destiné aux chercheurs et aux professionnels, rassemblant des informations concernant les principales sources d'archives sur la Shoah existant en Europe. Sur le plan méthodologique, il s’est appuyé sur des chercheurs et des archivistes venant de vingt-cinq pays d'Europe. Il présente les informations pratiques et générales afin de permettre de localiser les fonds. Accessible sur Internet, la partie polonaise est très complète sur les grands centres. Mais elle ne concerne pas les archives régionales et locales qu’il faut visiter si l’on mène des recherches sur les shtetlekh.
Les informations sont accessibles en ligne sur le site du Mémorial de la Shoah.