L'aryanisation de l'atelier de la rue Ste-Apolline

Suite à la défaite française, à l'armistice du 22 juin 1940 et à l'occupation allemande qui s'ensuit, la politique d'aryanisation (l'expropriation des Juifs et leur exclusion progressive de divers corps de métiers) s'étend de l'Allemagne et de l'Autriche à toute la zone occupée par les nazis, dont la France. Le gouvernement de Vichy, dirigé par le Maréchal Pétain, collabore avec l'occupant, devançant parfois même ses demandes. Dès l'automne 1940, des ordonnances allemandes imposent la spoliation des biens juifs, organisée et mise en œuvre par les autorités françaises. L'aryanisation est intégrée à la loi française en juillet 1942.

Les Archives nationales françaises possèdent de nombreux documents sur l'aryanisation des entreprises juives pendant l'occupation. Le dossier d'aryanisation de l'atelier de confection de la rue Sainte-Apolline compte 58 pièces, soit une centaine de pages... Voici quelques documents issus de ce dossier.

La valse des administrateurs provisoires

L'aryanisation de chaque entreprise juive est gérée par un administrateur provisoire. Pour l'atelier de la rue Sainte-Apolline, un premier administrateur provisoire est nommé en février 1942 :

Nomination du premier administrateur provisoire pour l'aryanisation de l'atelier de confection au 29, rue Sainte-Apolline, à Paris, en février 1942.

Nommé commissaire de police adjoint à la sûreté à Vichy, il démissionne en mars et est remplacé en mai 1942 :

Nomination d'un deuxième administrateur provisoire pour l'atelier de confection de la rue Sainte-Apolline, en mai 1942.

Le nouvel administrateur provisoire est déjà administrateur de sociétés, en particulier d'entreprises d'imperméables. Compte tenu de la faible valeur de ce qui demeure des Établissements Ryfman, il est autorisé à procéder à leur liquidation en juillet 1943 :

Autorisation de liquidation de l'entreprise Ryfman, en juillet 1943.

Toutes les formes juridiques sont respectées. Mais les malversations sont trop criantes, même pour le Commissariat général aux questions juives1. L'administrateur provisoire est relevé de ses fonctions et remplacé par un troisième en septembre 1943...

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Nomination d'un troisième administrateur provisoire pour l'atelier de confection de la rue Sainte-Apolline, en septembre 1943.

Trois administrateurs provisoires en l'espace de dix-neuf mois, pour une affaire jugée dès le départ « sans importance économique »...

Le nouvel administrateur provisoire se fait le justicier des agissements de son prédécesseur :

Note du troisième administrateur provisoire sur les agissements de son prédécesseur…

Déclarations de non appartenance à la race juive

Pour pouvoir être habilités à gérer l'aryanisation des biens juifs, les administrateurs provisoires (et les repreneurs) doivent certifier qu'ils n'ont aucun lien avec la race juive :

Déclaration de non appartenance à la race juive de l'administrateur Janiaud

Déclaration de non appartenance à la race juive de l'administrateur Baumgartner.

Témoignage de vol

La concierge témoigne qu'un vol a été commis par le précédent administrateur provisoire...

Règlement de compte entre administrateurs…

... mais c'est peut-être une vengeance de la concierge ! Au royaume de la dénonciation, personne n'est honnête sauf soi...

Règlement de compte entre administrateurs, suite…

Nous sommes en février 1944. La correspondance entre l'administrateur provisoire et le Commissariat général aux questions juives se poursuivra jusqu'au 5 juillet 1944, un mois après le débarquement allié, un mois et demi avant la libération de Paris.

Source : Archives nationales.

1. Du Commissariat général aux affaires juives - aux questions juives par la suite - (1 place des Petits Pères, à Paris IIe) dépend la direction générale de l'aryanisation économique, dont dépend le service du contrôle des administrateurs provisoires. La section I.A est celle du textile ; les imperméables font partie du comité d'organisation du vêtement (dans certains documents : confection masculine).

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