La politique de la France en matière de naturalisation avant la Seconde Guerre mondiale
Dès le début des années vingt, un impératif démographique apparaît. Il faut augmenter la population française, décimée par la Première Guerre mondiale. Cela se traduit par une politique nataliste, une ouverture à l'immigration, le changement de statut des femmes françaises qui ne sont plus contraintes de prendre la nationalité de l'époux étranger. La politique de naturalisation devient plus souple à partir de 1924, après la victoire du Cartel des gauches. Les demandeurs qui ont des enfants ou qui sont en âge de procréer sont favorisés. Mais l'obligation demeure d'une résidence en France de dix ans, et les démarches sont longues et coûteuses. Une loi est votée le 10 août 1927, à l'initiative de Barthou (ministre de la Justice), qui libéralise les contraintes (trois ans de résidence au lieu de dix) ; l'administration est réorganisée pour accélérer le rythme des naturalisations. Le nombre de naturalisations double, de 10 000 par an en 1925-26 à 22 500 en 1928-29.
Mais la crise économique de 1929 fait monter la xénophobie, des quotas d'étrangers sont instaurés dans certaines professions et l'immigration est restreinte. Certains étrangers (surtout des Italiens) repartent, les autres n'osent pas demander leur naturalisation et se limitent à déclarer Français leurs enfants nés en France. Le bureau du Sceau enquête pour savoir si « ces nouveaux Français se sont par leur loyalisme, leur conduite, leur moralité et leur probité montrés dignes de la faveur qui leur a été conférée ». Les préfets doivent enquêter sur « les effets de la nouvelle législation tant au point de vue national qu'au point de vue social et économique ».
Dans les années trente commence à se développer une « science » de l'assimilation qui hiérarchise les immigrés par origine, puis par race, pour déterminer « leur assimilabilité ». Les décrets s'accumulent en 1934 et 1935 pour stopper l'attribution de cartes de travail aux nouveaux migrants et ne pas renouveler celles des immigrés qui sont en France depuis moins de dix ans s'ils sont dans un secteur où le chômage est important.
Sous le Front populaire, la législation ne change pas, mais elle est appliquée avec plus de souplesse. En 1938, le contingentement est assoupli à la demande des entreprises. Mais les contrôles policiers sont accrus.
La distinction entre immigré et réfugié évolue. Alors que la fermeture de l'immigration en 1934 ne s'appliquait pas par principe aux réfugiés, l'accroissement du nombre de réfugiés (en particulier des Juifs allemands et autrichiens) devient « responsable de l'importation de conflits politiques étrangers au territoire national ». Georges Mauco, expert des questions d'immigration depuis le début des années trente, considère qu'il faut refuser l'immigration des réfugiés. Une distinction est désormais opérée au sein d'une même origine nationale entre Juifs et non Juifs. Le nombre de naturalisations reste supérieur à celui d'avant la loi de 1927, mais la majorité des demandes est refusée.
En 1939, à l'approche de la guerre, on naturalise cependant en masse, en vue de l'intégration à l'armée française. Les étrangers qui ont bénéficié du droit d'asile sont d'ailleurs soumis aux « obligations des Français en temps de guerre ».
Sources :
La France et ses étrangers. L'aventure d'une politique de l'immigration de 1938 à nos jours, Patrick Weil, Folio actuel, 1995.
Qu'est-ce qu'un français ? Histoire de la nationalité française depuis le Révolution, Patrick Weil, Grasset, 2002.