Les professions
Les professions des Juifs en France reflétaient pour une bonne part les situations des pays d'origine et les conditions d'immigration.
Les Juifs français travaillaient dans le grand commerce, la banque, la joaillerie et l'horlogerie, les professions libérales (avocats, médecins...).
Les Juifs d'Allemagne, réfugiés en France dans les années trente, étaient surtout des intellectuels et des ingénieurs.
Les immigrés d'Europe centrale étaient essentiellement des artisans, boutiquiers, colporteurs, ouvriers à domicile. Le plus souvent regroupés dans les mêmes quartiers, parlant peu le français, leur activité professionnelle se faisait à l'intérieur même de la Communauté. Tailleurs, casquettiers, bonnetiers, maroquiniers..., ils reproduisaient les professions du shtetl.
60 % d'entre eux travaillaient dans le secteur industriel ou artisanal, dont 83 % - soit 50 000 - étaient des ouvriers (à domicile ou en atelier) du textile et de la confection1. Les ouvriers à domicile - les « façonniers » - travaillaient sur commande pour des entreprises, pas non plus florissantes. Certains façonniers devaient acheter les matières premières, d'autres non : les situations étaient ainsi très diverses.
La nécessité de travailler sans délai, voire d'envoyer de l'argent à la famille restée en Pologne, la crise économique des années trente qui avait réduit les marchés, la législation contre les étrangers plongèrent dans le travail clandestin bon nombre d'entre eux. L'espoir d'une régularisation était très faible pour ceux qui arrivèrent au début des années trente. Sans papiers, ils ne pouvaient travailler légalement et risquaient d'être expulsés au moindre contrôle. Avec papiers, ils risquaient d'être remplacés par des immigrés de plus fraîche date acceptant n'importe quel salaire. Tous étaient payés à la pièce. Les revenus étaient donc irréguliers. La situation des artisans était un peu meilleure, mais si peu... Artisans et façonniers possédaient une ou deux machines à coudre dans leur petit appartement, où toute la famille travaillait. Les façonniers espéraient devenir des artisans indépendants, les artisans espéraient devenir propriétaires d'une boutique si les affaires avaient été bonnes et s'ils étaient en situation régulière.
Les divisions sociales étaient ainsi pour l'essentiel liées à la date d'immigration : parmi les Juifs français, plus anciens, une petite, voire une grande bourgeoisie existait. Parmi les Juifs d'Europe orientale d'immigration récente, la distinction entre patron, artisan et ouvrier était souvent ténue.
Sources :
Les Juifs à Paris de 1933 à 1939, David H. Weinberg, Calmann-Lévy, 1974. Les références bibliographiques y sont très nombreuses.
Conférences données par Philippe Boukara à la Maison de la culture yiddish en 2002.
Les Enfants de papier, Didier Epelbaum, Grasset, 2002.
1. Une autre statistique indique qu'en 1926, 60 % des immigrés juifs sont dans le vêtement, 20 % dans le commerce, 8 % dans les professions libérales, (12 % de divers). Il y a 17 % de patrons, 21 % d'artisans, 15 % d'employés et 47 % d'ouvriers, la plupart à domicile.