La population juive parmi la population polonaise

La présence juive en Pologne avant la Seconde Guerre mondiale

Voici quelques cartes illustrant la présence juive en Pologne jusqu'en 1931 :

La carte des shtetlekh. Premiers centres du hassidisme Les communautés juives en Pologne en 1921. La présence juive dans les villes et les villages en 1931 (les pourcentages de Juifs dans les villages indiqués sur cette carte ne sont pas représentatifs du fait que dans les shtetlekh, les Juifs constituent la majorité de la population).

En 1931, les Juifs représentent 9,8 % de la population polonaise, soit 3,1 millions d'habitants. Dans les grandes villes (Varsovie, Lodz, Lvov, Cracovie, Vilno, Lublin), ils représentent entre un quart et un tiers de la population.

Les cartes suivantes indiquent la part de la population urbaine ainsi que la structure de la population polonaise en 1931 (par secteur, puis par statut) :

Part de la population urbaine en 1931. Dans ces statistiques, le shtetl est considéré comme urbain. Structure de la population polonaise en 1931, par secteur (en haut) et par statut (en bas).

Enfin, cette carte montre les villes polonaises dans lesquelles la population juive dépasse dix mille personnes en 1939 :

Villes dans lesquelles la population juive dépasse 10 000 personnes en 1939.

Les discriminations

Dès la naissance de l'État polonais en novembre 1918, la violence antisémite se déchaîne avec 110 pogroms. Toute la panoplie classique de l'antisémitisme se retrouve dans la presse de droite, où les Juifs sont accusés de meurtres rituels, de trahison envers l'armée, de collaboration avec l'occupant allemand, de bolchevisme. Par exemple, le yizker buh (Livre du souvenir) de Zelechow porte témoignage des exactions antisémites dans les années 1918-1920, menées d'abord par des soldats allemands, puis par des soldats polonais de retour du front, à Zelechow et à Sobolew.

Pendant la guerre russo-polonaise, les Juifs sont accusés de connivence avec l'ennemi. Après quelques mois d'apaisement dus au débat de la conférence de Paris qui élabore les traités sur les minorités nationales devant être annexés au traité de Versailles, la situation se dégrade à nouveau. La retraite de l'armée polonaise et l'avancée de l'Armée rouge provoque une véritable psychose d'un complot judéo-bolchevique. En 1920-1921, environ 1000 pogroms éclatent.

Dès les années vingt, le traité de Versailles n'est guère respecté. Le gouvernement de Pilsudski accumule les discriminations, en particulier sur le plan économique. Le gouvernement des colonels considère que la population juive est « de passage » en Pologne1, qu'elle doit émigrer et, qu'en attendant, les droits civiques doivent lui être refusés. Cette idée d'expulsion des Juifs conduit le gouvernement à demander à la SdN des territoires dans les colonies, et aux banques internationales des financements…

Les discriminations économiques s'accumulent. Les Juifs sont exclus des emplois publics en 1930. Lorsque l'État nationalise des secteurs, il en exclut les Juifs. La distribution du crédit bancaire défavorise les commerçants juifs (37 % de la population juive) ; la Communauté met alors en place ses propres circuits de crédit. Dans l'artisanat, un examen est instauré en 1927 pour l'obtention d'un certificat d'aptitude à l'exercice des métiers. Les conditions d'accès à l'examen excluent de fait les Juifs (droits d'inscription élevés, formation longue, langue polonaise). Ceux qui exerçaient déjà, dont la plupart ne possédaient pas de diplôme, se retrouvent dans l'illégalité. Or 35 % de la population juive, en moyenne, travaille dans l'artisanat. Cette mesure va avoir un effet catastrophique : travail clandestin, fermetures d'ateliers.

En 1929, le dimanche est déclaré jour de fermeture obligatoire, obligeant ainsi les commerçants juifs à fermer deux jours, le samedi et le dimanche. En 1936, le premier ministre présente à la Diète le boycott des boutiques juives par la phrase célèbre : « Boycott économique soit, mais sans préjudice aucun ». En 1936 encore, l'abattage rituel est contingenté pour « des raisons humanitaires ». Les professions libérales prennent successivement des mesures d'exclusion des Juifs en 1937. Un numerus clausus est imposé à l'Université et les agressions qui s'y déroulent font chuter le nombre d'étudiants juifs de 24,6 % en 1921 à 8,2 % en 1938.

De 1935 à 1937, les pogroms se multiplient de nouveau.

De nombreux Juifs cherchent à émigrer. Mais alors qu'au début du siècle l'émigration dépasse largement la croissance naturelle de la population, à partir de 1920 c'est l'inverse. Les pays d'accueil ferment leurs frontières ou, au mieux, limitent les entrées : l'émigration chute même de 1930 à 1932, à cause de la dépression économique. Elle remonte de 1933 à 1935, mais représente moins de 1 % de la population2. À partir de 1930, l'essentiel des émigrants polonais sont des Juifs.

Sources :
Le Shtetl. La bourgade juive de Pologne, Rachel Ertel, Payot, Paris, 1986.
Jewish Roots in Poland, pages from the past and archival inventories, Weiner Miriam, en coopération avec les Archives d'État polonaises, YIVO, New York, 1997. Voir la présentation de l'ouvrage sur ce site.
Atlas of Modern Jewish History, Evyatar Friesel, Jerusalem, 1990.

1. Cette idée date du début du siècle, portée par l'extrême droite.

2. Mais il s'agit de statistiques officielles, hors émigration clandestine.

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